Une chrysalide qui a donné des mouches
 
 
Une chenille de Vulcain (Vanessa atalanta) a été trouvée sur un pied d'ortie  (Urtica dioica) le 27 Août 2009 (Franche-Comté, France). La larve s'était construit un abri grâce à des feuilles et de la soie.
La chenille a été récupérée afin d'être élevée à la maison ; dans ce but elle a été installée à l'extérieur dans une cage spéciale pour insectes et nourrie avec de l'ortie.
Le 31 Août, la chenille s'est transformée en chrysalide et rien n'indiquait qu'il se passait quelque chose d'anormal à l'intérieur. J'avais réellement l'espoir de pouvoir assister à l'émergence d'un magnifique papillon....



Le 16 Septembre 2009, tous mes espoirs se sont effondrés lors de l'observation de la chrysalide.... un vaste trou était visible sur son tégument et cinq pupes noires étaient présentes en dessous. Des aliens avaient mangé mon papillon de l'intérieur !  En fait, des asticots d'une mouche s'étaient développés à l'intérieur de leur hôte puis en étaient sortis pour se nymphoser... La chrysalide du papillon est sans doute morte peu après la nymphose de la chenille étant donné la grande taille des parasites.
La taille des pupes était assez variable (entre 4mm et 9mm de longeur).
   

Entre le 21 et le 24 Septembre 2009, les mouches ont émergé des pupes. Dr Hans-Peter Tschorsnig du Staatliches Museum für Naturkunde (Stuttgart, Allemagne) m'a très aimablement aidé à identifier cette mouche Tachinaire : Sturmia bella (Tachinidae). Ses yeux rouges, les soies fortes à l'extrémité de l'abdomen, les marques oranges sur les côtés de l'abdomen sont typiques de cette espèce largement répandue.

Le cycle biologique de Sturmia bella est vraiment étonnant : la femelle pond dans la nature des milliers d'oeufs minuscules sur les feuilles de plantes variées. La plupart de ces oeufs ne donneront rien exceptés ceux qui seront ingérés par hasard par une chenille se nourrissant de la feuille.... Le très grand nombre d'oeufs pondus apparaît comme une compensation des aléas du cycle de la mouche parasitoïde, car très peu d'oeufs auront "la chance" d'être ingérés par une chenille...
Une fois avalés, les oeufs éclosent au sein de la chenille et libèrent des minuscules larves qui migrent vers les organes non-vitaux de leur hôte dont elles se nourrissent (graisse). Ces petits asticots parviennent à déjouer la réponse immunitaire de l'hôte et ne sont donc pas tués ; les parasites n'empêchent même pas la chenille de vivre, de manger, d'avoir un comportement normal, de se nymphoser...  Les parasites ne causent donc aucun dommage vital à leur hôte jusqu'à la fin de leur croissance, puis l'hôte périt au final. Il s'agit d'une interaction hôte-parasite très sophistiquée au sein du règne animal où la mouche calque parfaitement son propre cycle biologique sur celui de la créature qu'elle parasite.
 
Sturmia bella n'est pas spécifique à une espèce de papillon donnée, mais est un des principaux parasitoïdes pour les papillons du genre Inachis, Aglais, Vanessa... et bien d'autres encore. Cette mouche joue donc un rôle essentiel dans la régulation des populations de vanesses dans la nature.