Une chenille qui a donné des guêpes





 
Cette chenille morte de Grisette  (Carcharodus alceae)  a été trouvée le 6 Septembre 2009 dans une prairie (Franche-Comté, France) ; elle était entourée de 9 cocons de soie blancs. La chenille avait utilisé la Mauve musquée (Malva moschata) à la fois comme plante nourricière et comme support pour se construire un abri, fabriqué à partir de feuilles pliées et reliées entre elles avec de la soie.
Dans cette espèce  (et plus généralement au sein des Hesperiidae) l'abri est censé fournir une protection à la larve contre les prédateurs et les insectes parasitoïdes... ce qui n'a pas été efficace dans le cas présent.

Ces cocons résultent de l'invasion de la larve par un insecte parasitoïde (ici une petite guêpe) ; cet insect est ici  Cotesia glabrata (superfamille Ichneumonoidea, famille Braconidae, sous-famille Microgastrinae).
Au commencement du cycle de vie de la guêpe, une femelle pond des oeufs à la surface du tégument de la chenille (ou au travers de celui-ci, dépendant de l'espèce) ; puis les oeufs éclosent et libèrent des petites larves qui vont se développer à l'intérieur de la chenille. Les larves se comportent comme des parasites durant plusieurs semaines, en se nourrissant de la graisse de la chenille mais sans s'attaquer à ses organes vitaux... lorsqu'elles ont fini leur croissance, elles ressemblent à des asticots et finalement sortent de leur hôte en perforant son tégument, ce qui conduit à sa mort. Aussitôt sorties, les larves se tissent un cocon en soie à l'intérieur duquel elles se nymphoseront.
  Ceci est un cas de parasitoïdisme, qui est une relation particulière entre deux êtres vivants différente de la prédation (= mort immédiate de la proie) et différente du parasitisme vrai qui n'aboutit pas à la mort de l'hôte...

Les cocons ainsi trouvés ont été recueillis et placés dans une boîte transparente à température ambiante  les jours suivants. Le 18 Septembre 2009, de minuscules guêpes (longueur : 1mm) ont émergé des cocons. En principe, cela aurait dû être des Cotesia glabrata .... mais ici un événement surprenant s'est produit. Leur examen a permis d'identifier (au vu notamment de l'aspect général de l'insecte, des ailes et des antennes, cf ci-dessous) des guêpes de la famille des Chalcidés (superfamille Chalcidoidea). Ces guêpes comptent parmi les plus petits hyménoptères. En fait, le chalcidien est dans ce cas un parasitoïde de Cotesia glabrata, ce qui est un example d' hyperparasitoïdisme (c'est-à-dire le parasitoïdisme d'un insecte parasitoïde) !

Cette explication m'a été très aimablement communiquée par le Dr Mark Shaw, du National Museums of Scotland (Royaume-Uni). Le chalcidien a trouvé les cocons de Cotesia glabrata, puis a pondu des oeufs à l'intérieur. Les larves du chalcidien ont accompli leur cycle aux dépens des nymphes de  Cotesia, qui ont finalement toutes péri.



 
     
Informations complémentaires : 
Hormis ce cas particulier d'hyperparasitoïdisme, les chalcidiens sont parfois employés intentionnellement par l'homme en lutte biologique pour combattre les pestes de cultures (larves de coléoptères ou chenilles de lépidoptères) ; les chalcidiens sont souvent parasitoïdes d'une espèce d'insecte donnée. Ces méthodes biologiques sont bien plus bénéfiques que l'utilisation de pesticides (dès lors que l'action de la guêpe est bien ciblée, demeure sous-contrôle et ne s'attaque pas à des espèces à l'origine non visées).
Dans un sens, les insectes parasitoïdes sont des agents permettant de réguler les populations de lépidoptères.... sans cette régulation naturelle, les papillons seraient trop nombreux ce qui déséquilibrerait tout l'écosystème.